Introduction

La chanson populaire à laquelle se rapportent les chansons de « village » ou sur « feuilles volante » est née au XIX avec l’apparition des orphéons (fanfares, chorales, harmonie) et le développement des guinguettes. C’est aussi à cette époque que se développe le métier de chanteur de rue et de marchand de musique ambulant.

Déjà, le chanteur s’appuie sur une musique mélodieuse ou un texte accrocheur pour diffuser des idées ou des informations ; leur répertoire s’inspirant souvent de faits majeurs ou de faits divers remarquables, assurant une publicité à ces évènements.

Le contexte

A la lecture des documents présentés sur ce site, on découvre que cette tradition des chansons de « villages » ou sur « feuilles volantes » a été importante jusqu’à la deuxième guerre mondiale, pour ensuite connaître un déclin.

La banalisation des enregistrement sonores et leur diffusion sur des médias de plus en plus nombreux ne sont sans doute pas étrangers à la disparition progressive de ce type de répertoire. Ainsi en 1929, on comptait 500 000 récepteurs radio en France, puis 1 300 000 en 1933, pour arriver à 4 700 000 postes en 1937 (source Insee).

Qu’est-ce qu’une chanson de village ?

A défaut de pouvoir donner une définition précise, il est toutefois possible de dresser les contours de ce type de répertoire. Pour cela, nous nous appuieront sur une série de documents extraits du fonds du chansonnier Jem. Les exemples du concours de chansons de 1931, « La foire aux oignons » (extraits de la revue de 1935) et des articles de presse consacrés aux Hymnes des 24 Heures du Mans permettent de dresser les particularités de ces chansons, ainsi que leur contexte de création/diffusion.

  • La musique doit être populaire. En effet, les chansons sur « feuilles volantes » sont souvent sur un air connu et à la mode, cela pour permettre à tous de pouvoir chanter ces chansons. Ainsi, la chanson de la Braderie de 1931 est sur l’air de « C’est pour mon papa ». Dans le cas de créations, comme les Hymnes des 24 Heures du Mans, l’air doit être entrainant et facile à retenir.
  • Les textes de ces chansons étaient écrits et largement diffusés. Le cas de la scène de « La foire aux oignons » relate ainsi l’existence de chanteurs ambulants et de marchands de musique qui vendaient leurs partitions à la pièce. Parfois, ces chansons sont vendus au profit des prisonniers de guerre ou pour le comité des fêtes de la commune.
  • Ces chansons doivent avoir un caractère fédérateur. C’est le cas des Hymnes des 24 Heures du Mans qui réunit chaque année plusieurs milliers de spectateurs, ce qui fait de cette course événement marquant de l’identité Sarthoise. A une moindre échelle, les chansons écrites à l’occasion d’une fête de village font toute référence à des habitants ou à des coutumes locales, mettant en valeur les éléments de l’identité villageoise.

Vous trouverez de nombreux exemples sur ce site, comme par exemple cette chanson de Mézeray, sur l’air de « C’est un mauvais garçon » (chanson d’Henri Garat de 1931, revisitée ici par Renaud).

Le concours de chansons de 1931

braderieLe jury du Concours de chansons de la Braderie s’est réuni, sous la présidence de Paul Blin (association de la presse Sarthoise). C’est plus de 60 envois que les membres du jury ont eu à examiner. Ils ont d’abord éliminé les chansons grivoises ou grossières. Ils ont dû également laisser de côté certaines œuvres s’adaptant mal aux airs choisis, ainsi que d’autres dont la musique n’eut pas été populaire. Enfin, après discussion et audition de multiples couplets, le jury a retenu :
1er prix : Julien Massot (Jem) pour sa chanson « C’est jour de braderie » sur l’air de « C’est pour mon papa ».
2e prix : Robert Guitton pour sa chanson « Bradez, bradons » sur l’air de « La Madelon ».
3e prix : M.Brouillac, pour sa chanson « Bradez, bradons » sur l’air de « Rose-Marie ».
4e prix : Maurice Biard, pour sa chanson en patois « Maître Chantepie à la braderie », sur l’air de « C’est pour mon papa ».
5e prix : Hippolyte Daguet, pour sa chanson « Venez à la braderie », sur l’air de « Viens poupoule ».
6e prix : Auguste Rault, pour sa chanson « A la braderie », sur l’air de « Tu verras Montmartre ».
La chanson classée première sera éditée par les soins du Comité des Quatre jours du Mans. Et le 19 septembre, tout le monde chantera, dans notre bonne ville : « C’est jour de braderie » sur l’air populaire de « C’est pour mon papa ».
Le comité des Quatre jours du Mans remercie très cordialement tous les concurrents du Concours de chansons de la Braderie du Mans d’avoir répondu à son appel pour faire du samedi 19 septembre 1931, un jour de liesse populaire.

La foire aux oignons (extrait de la revue de 1935)

A gauche, un marchand de melons et d’oignons
A droite, un accordéoniste et un couple de chanteurs ambulants
En coulisse, bruit de foire et bals populaires
En scène, allées et venues de badauds, marchands de ballons, etc…

Marchant – Approchez, approchez, ce sont les derniers
La chanteuse – Demandez les dernières nouveautés
Marchand – 1 franc, 20 sous pour les finir
La chanteuse – La dernière java des oignons
Le marchand – Qui n’a pas son melon ? 20 sous !
La chanteuse – La valse des melons, 1 franc seulement
La marchand – Pressez-vous, il ne m’en reste plus qu’un
La chanteuse – Du charme, de la gaieté, du rire
Le marchand – Demandez les melons du pays. 1 franc !
La chanteuse – Demandez la dernière java. 1 franc !
Le marchand – (à la chanteuse) Vous ne pouvez pas aller oualer ailleurs, dites ?… Comment voulez-vous que je vende mes melons ?
La chanteuse – Qui est-ce qui vous demande quelque chose ?
Le marchand – C’est moi ! Et vous savez, faudrait voir à ne pas nous la faire…
La chanteuse – Pas de boniments mon vieux… on n’est pas là pour ça…
Le marchand – Nature… Vous n’avez qu’à décamper, si vous croyez que ce n’est pas une rengaine… depuis ce matin que vous nous cassez les oreilles avec votre valse des oignons !
La chanteuse – C’est pas une valse, c’est une java ! Et puis si vous croyez que c’est agréable d’entendre toute la journée brailler : Qui veut des melons, des beaux melons du pays… pour ce qu’ils sont mûrs…
Le marchand – Dites donc, faudrait voir à ne pas débiner ma marchandise. Tenez, sentez-moi donc s’ils sont pas mûrs, sentez que je vous dis…
La chanteuse – (Sentant) Oui, peut-être…
Le marchand – Mais il n’y a pas de peut-être…
La chanteuse – Alors donnez-moi le, mais prenez-moi une chanson.
Le marchand – Je ne sais pas chanter
La chanteuse – Justement, vous apprendrez.
(Echange)
Le marchand – (Aparté) En voilà toujours un autre de liquidé. Si ça rapporte pas, ça débarrasse.
La chanteuse – (Aparté) Là comme ça, on va être tranquille, j’ai pris son dernier, il va s’en aller.
(Le marchand et la chanteuse retournent à leur place et l’accordéoniste attaque la java de oignons pendant que le marchand recommence son boniment)
(Entrant)
Le guide – Voilà, nous sommes arrivés à la Foire aux oignons… Qu’est-ce que vous en dites ?
Le compère – C’est très bien !
La commère – Quelle animation !
Le guide – Oh pour ça oui !
Le compère – Et qu’est-ce qu’il y a donc à voir ? Il y a tant de monde.
Le guide – A voir ? Rien du tout…
Le compère – Et alors ?
Le guide – Alors c’est le monde qui attire le monde, on va on vient, on retourne et on s’en retourne comme je vous le disais. c’est bien Manceau…
Le compère – En effet…
Le marchand – (S’approchant) Allons messieurs dames, approchez ce sont les derniers, 20 sous pour finir.
La chanteuse – (Même jeu de scène) La dernière chanson messieurs dames, la Java des oignons, 1 franc.
Le marchand – Ne l’écoutez pas avec ses chansons, prenez-moi plutôt ce bon melon… tenez monsieur (au compère), vous me semblez connaisseur, sentez-moi ça !
La chanteuse – (Au guide) Allons monsieur, un beau mouvement, prenez-moi une chanson.
Le guide – Je connais pas la musique.
La chanteuse – On va vous l’apprendre, tenez, écoutez.
(Le chanteur chante, accompagné par l’accordéoniste, la chanteuse vend des chansons à tout le monde).

Chanson : La foire aux oignons, sur l’air de « Autour du circuit« 

Le chanteur – 1er couplet
Tous les ans c’est la même chose
Y’a bien des trucs comme ça
Mais si les uns sont moroses
Les autres sont gais oui ça
Et sans le faire à la pose
La foire est de ceux-là
La foire aux oignons ou chacun peut
Sans faire de façon
Le vendeur – Acheter un m’lon
La chanteuse – Ou s’il le veut
Chanter la chanson

Le chanteur et la chanteuse – Refrain
La java nouvelle
« La foire aux oignons »
Coutume mancelle
Toujours de bon ton
Une foule dense
Vient-y faire ses provisions
Et le soir on danse
Au son de l’accordéon
La java nouvelle
« La foire aux oignons »
Nul n’y est rebelle
Pour ach’ter un m’lon
Du Pâtis au Pont Gambetta
On entend que ce refrain là
La java nouvelle
La foire aux oignons

(Reprise au refrain en cœur avec l’accordéon)

Le guide – Ah… C’est pas difficile de se mettre cet air là dans le crâne, puis ça vous donne comme des envies de danser.
Le marchand – Comment voulez-vous qu’on fasse des affaires, ces gens là n’pensent qu’à chanter et à danser…
Le compère – Vous n’avez qu’à faire comme eux.
Le marchand – Pardine, et mes m’lons, c’est t’y vous qu’allez m’les vendre, vantiers…

Autre piste, celle des 24 heures du Mans

24heuresLa chanson des 24 heures
Au début de l’année 1933, Emile Baudrier, professeur au Conservatoire du Mans, s’étonnait,  au cours d’une conversation avec Bernard Ménager, bien connu des milieux sportifs Manceaux, qu’il n’y eu pas dans notre ville une chanson populaire à l’occasion d’une manifestation locale. Mr Ménager proposa aussitôt les 24 heures du Mans, se mit en rapport avec Lucien Cazalis de Paris, parolier de nombreuses œuvres sportives, qui « troussa » trois couplets et deux refrains très allants. Mr Baudrier composa une musique gaie et pimpante, et le projet fut soumis au Comité de Direction de l’Automobile Club de l’Ouest qui approuva de suite cette excellente initiative et patronna la chanson qui prit le titre de « A.C.O », marche officielle des 24 heures du Mans. Enregistrée sur disque Ideal, diffusée et dansée partout, cette chanson remporta un vif succès. En 1934 Mr Baudrier et Mr Ménager décidèrent-ils d’en lancer une seconde en 1934, en s’adressant au parolier Jem. Mr Baudrier composa une musique nouvelle, qui plût à tous : « 24 heures du Mans », la marche officielle de 1934.

« 24 heures du Mans », marche officielle de 1934
Bientôt, dans les principaux établissements de la ville possédant un pick-up ou phono, nous pourrons entendre cette nouvelle chanson et les haut-parleurs du circuit la diffuseront à tous les échos. « 24 heures du Mans » sera mise en vente partout au prix modique de 1 franc, paroles et musique.

« La Samba des 24 heures du mans », 1949
Deux tours de disques et déjà l’air joyeux, bien scandé, vous est entré dans l’oreille, et vous vous surprenez à le chantonner gaiement. Dans deux semaines, les haut-parleurs du circuit permanent de la Sarthe diffuseront à tous vents cette chanson particulièrement réussie.

« 24 heures », chanson officielle de 1951
C’est une marche très entrainante et facile à retenir que chacun fredonnera bientôt et que pour le moment, l’une des voitures publicitaires Ouest-France diffuse à travers villes, bourgs et villages.

Bienvenue

Ce site Internet répertorie les chansons de "village" ou sur "feuilles volantes" collectées en Sarthe dans le cadre du programme "Sauvegarde de la parole sarthoise".